Syndrome de Brown

Michelle DUFLANC . TOULON

 

Le syndrome de Brown ou « syndrome de rétraction de la gaine du grand oblique «  fait partie du cadre nosographique des strabismes anatomiques ou syndromes de restriction congénitaux. Il existe par ailleurs des syndromes de Brown acquis, secondaires à une cicatrice rétractile de l’oblique supérieur (causes inflammatoires, traumatiques, iatrogènes postopératoires). Il se définit par une limitation active et passive de l’élévation en adduction, dans le champ d’action de l’oblique inférieur.

 

PHYSIOPATHOLOGIE

L’étiologie reste inconnue, il s’agirait d’une anomalie morphologique de l’oblique supérieur . La poulie et le tendon de l’oblique supérieur ont la même origine mésenchymateuse. Après leur différenciation, ils restent unis par un tissu qui se résorbe avant la naissance. Si ce tissu persiste, le tendon ne peut pas coulisser dans sa poulie. C’est la principale cause du syndrome de Brown congénital. La résorption de ce tissu peut expliquer des guérisons spontanées. Il peut s’agir aussi d’un tissu fibreux engainant le tendon, d’un tendon trop court, d’une anomalie de développement de l’oblique supérieur par défaut fœtal d’innervation, d’une paralysie initiale de l’oblique inférieur responsable d’une contracture puis d’une fibrose de l’oblique supérieur.

 

CLINIQUE

Le syndrome de Brown représente 1 sur 450 strabismes, il est bilatérale dans 10% des cas, il n’existe pas de prédominance de sexe ou de latéralité. C’est une affection congénitale, mais la découverte est souvent tardive, le plus souvent à l’âge de la marche, dans 65% des cas avant 7 ans.

En position primaire, il peut exister une orthophorie ou une hypotropie de l’œil atteint. Un torticolis avec élévation du menton et tête inclinée du côté atteint est présent dans 30% des cas.

L’examen de la motilité retrouve la limitation de l’élévation en adduction de l’œil atteint alors que la verticalité en abduction et l’abaissement sont normaux. C’est le signe le plus évident et le plus constant évoquant une  pseudo paralysie de l’oblique inférieur. L’abduction est normale ainsi que l’adduction et dans ce dernier mouvement l’œil a tendance à être dévié vers le bas et à être associé à un élargissement de la fente palpébrale. Il peut exister une discrète exophtalmie associée à un élargissement de la fente palpébrale au cours de la tentative d’élévation en adduction secondaire au relâchement du droit inférieur et à la contraction de l’oblique inférieur. Il peut exister une hyperaction modérée du synergique controlatéral, le droit supérieur. Il existe une hyperaction minime ou absente de l’antagoniste homolatéral c’est-à-dire de l’oblique supérieur. Il peut exister un syndrome alphabétique en V dû à l’intégrité de l’oblique inférieur qui maintient son action en adduction.
Le test de duction forcée est positif et permet d’affirmer le diagnostic : il met en évidence l’impossibilité d’élévation en adduction du globe. Ce test est effectué sous anesthésie générale à l’aide d’une ou deux pinces et consiste à amener le globe atteint dans le champ d’action de l’oblique inférieur. Le test est positif quand l’œil ne parvient pas à effectuer ce mouvement passif.

Sur le plan sensoriel, il n’existe le plus souvent pas d’amblyopie sauf lorsqu’il existe un strabisme en position primaire. La vision binoculaire est en général normale en position primaire et en bas. Lors des tentatives d’élévation en adduction on peut retrouver une neutralisation ou une diplopie. Cette diplopie est le plus souvent absente en position primaire car le sujet compense par le torticolis.

Il existe une forme clinique particulière : le « click syndrome » qui se présente comme un syndrome de Brown intermittent : le tendon se bloque et se débloque ( avec  un déclic que le patient perçoit) dans la poulie, souvent plusieurs fois en cours d’examen. Il peut s’agir d’une forme de passage entre le syndrome de Brown et la guérison.

 

EXPLORATION

La coordimétrie confirme les données cliniques :

-          Hypoaction de l’oblique inférieure de l’œil atteint

-          Hyperaction +/- marquée du droit supérieur controlatéral

-          Absence d’hyperaction de l’oblique supérieur homolatérale

-          Absence d’hypoaction de l’antagoniste controlatéral (droit inférieur).

-          Normalité de chaque œil dans le champ inférieur.

L’électromyographie si elle est pratiquée retrouve un tracé normal au niveau de l’oblique inférieur qui parait paralysé.

 

EVOLUTION

Elle est variable : le plus souvent stationnaire, parfois régressive. La fréquence de ce syndrome à l’âge adulte est faible d’autant que le regard vers le haut est moins sollicité chez l’adulte que chez l’enfant et que cette affection passera donc plus volontiers inaperçue.

 

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Il s’agit surtout de la paralysie de l’oblique inférieur qui s’accompagne d’une hyperfonction de l’oblique supérieur homolatéral et du droit supérieur opposé, d’un syndrome alphabétique de type A, d’une énophtalmie en adduction, d’un torticolis important et surtout d’un test de duction négatif dans le champ d’action de l’oblique inférieur.

On peut discuter aussi la paralysie unilatérale des deux élévateurs, affection congénitale qui comporte une limitation de l’élévation identique en adduction et en abduction, une orthophorie en position primaire et un test  de duction forcée négatif.

 

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Plusieurs interventions sont en général nécessaires et l’élévation en adduction est rarement récupérée.

Les indications chirurgicales dépendront donc :

-          D’un torticolis important,

-          D’une décompensation de la déviation avec hypotropie importante,

-          D’une altération de la vision binoculaire en position primaire et en bas.

La chirurgie précoce est elle aussi discutée car malgré la gêne dans le regard en haut que peuvent ressentir ces enfants pour voir le monde adulte, elle tend à diminuer avec la croissance.

Le but de l’intervention est de normaliser le test de duction passive, c’est-à-dire d’obtenir une élévation en adduction en fin d’intervention.

Plusieurs techniques ont été proposées :

-          Interventions sur la gaine de l’oblique supérieure (gainotopie ou gainectomie)

-          Interventions sur le tendon de l’oblique supérieur (section de brides, pelage du tendon, ténotomie ou tenectomie, +/- associée à un recul de l’oblique inférieur ou à l’interposition d’une bande de silicone)

-          Interventions sur la trochlée (actuellement abandonnées)

-          Le plus souvent on pratiquera un affaiblissement de l’oblique supérieur par recul de l’insertion de 8 à 9 mm

Les éventuelles étapes suivantes dépendent du résultat obtenu après levée de l’obstacle : en cas d’hypotropie en position primaire et d’élévation limitée dans toutes les positions du regard, on peut préférer opérer l’œil sain pour le freiner et rendre son élévation la plus semblable à celle de l’œil atteint.

 

CONCLUSION

L’étiologie du syndrome de Brown congénital reste encore discutée, néanmoins il semble que ce syndrome résulte d’un obstacle au passage livre du tendon à travers la trochlée, qui empêcherait le mouvement d’élévation en adduction. Les différentes techniques chirurgicales donnent des résultats variables, c’est pourquoi il faut rester prudent dans les indications chirurgicales.