LES STRABISMES IATROGENES APRES CHIRURGIE DU DECOLLEMENT DE RETINE

Valérie SERRES. NARBONNE

 

 

Les troubles oculomoteurs survenant après chirurgie du décollement de rétine ( DR) sont assez fréquents dans les suites précoces mais régressent spontanément pour la majorité des cas.

La fréquence des complications durables,  s’accompagnant ou non de diplopie, est variable selon les séries dans la littérature mais semble être de moins de 5%.

Leur cause est le plus souvent mécanique, liée à la technique chirurgicale utilisée mais peut être une décompensation d’un trouble oculomoteur préexistant.

 

1- Causes des déséquilibres oculomoteurs post-chirurgie du DR :

 

a)     Les causes mécaniques :

 

Le déséquilibre peut résulter d’une hyper action musculaire ou d’une impotence,  quelquefois les deux mécanismes sont impliqués.

 

*La fibrose musculaire : est la conséquence des fortes tractions exercées sur les muscles au cours de la chirurgie (fils de traction passés sous les tendons des muscles pouvant déjà être fragiles comme chez le fort myope). Le ou les muscles peuvent devenir hypo extensibles.

 

*L’allongement d’un ou plusieurs muscles par un matériel d’indentation volumineux placé au dessous peut aboutir à une déviation du globe par hyper action (augmentation du bras de levier par modification des poulies ténoniennes et augmentation de la tension passive du muscle). De même, un matériel d’indentation volumineux peut constituer une gêne mécanique en limitant la course musculaire dans un ou plusieurs mouvements de l’œil.

 

*Passage erroné de matériel sous le tendon de l’oblique supérieur en cas d’indentation supérieure ou sous le tendon de l’oblique inférieur en cas d’indentation temporale pouvant induire des cyclodeviations.

 

*Réinsertion incorrecte d’un muscle déposé temporairement pour la chirurgie du DR.

 

*Adhérences anormales et brides cicatricielles possibles entre la capsule de Tenon et la sclère, les fibres musculaires, le matériel d’indentation ou la conjonctive ( par mauvaise dissection, mauvais repositionnement en fin d’intervention , ou par cryothérapie trop fortement dosée ou faites à travers le corps musculaire)

 

b)     Les causes sensorielles :

 

La baisse d’acuité visuelle post-décollement de rétine (même en cas de bon résultat anatomique post-chirurgical) peut être la source d’une décompensation d’un strabisme préexistant ou d’une phorie.

 

Un changement réfractif peut en être la cause :

*instillation d’atropine,

*allongement du globe par un cerclage,

*astigmatisme du à une éponge radiaire,

* hypermétropisation d’un tamponnement interne par huile de silicone,

* myopie d’indice secondaire à une vitrectomie.

 

 

2- Formes cliniques et examen :

 

Les déviations les plus fréquemment rencontrées sont de type restrictif avec contracture des muscles fibrotiques.

 Elles sont soit isolées (horizontale ou verticale), soit combinées (le plus souvent, car une indentation est souvent passée sous deux muscles droits voisins). L’amplitude de fusion verticale étant faible, un strabisme vertical est très souvent associé.

Un cyclotorsion peut  également être associée : elle est rarement majeure, n’ayant de traduction clinique qu’au-delà de 5° d’arc.

 

La diplopie sera recherchée dans toutes les positions du regard

L’examen de la motilité oculaire se fera en monoculaire puis en binoculaire pour tenter de faire la part des choses entre les impotences, hyper actions primitives et hyper actions secondaires. Le fait de filmer cet examen peut être un atout précieux dans ces strabismes compliqués.

En cas de diplopie, une position vicieuse de la tête sera notée et au mieux mesurée.

L’examen à la paroi de Harms peut être d’une grande utilité en cas de cyclotorsion.

 

L’examen du compte-rendu opératoire de la chirurgie du DR peut apporter des réponses sur le mécanisme du strabisme (rôle du matériel d’indentation, incidents per-opératoires) mais donne aussi des renseignements pour la possible chirurgie du strabisme (état de la sclère et des muscles)

 

 

3- Traitement :

 

Il dépend de l’importance de la déviation et de son évolution au cours du temps.

Dans les premiers mois, une correction prismatique de la déviation peut être faite en cas de diplopie et si la puissance du prisme nécessaire n’est pas trop grande. En cas de grande déviation, certains auteurs tentent une injection de toxine botulique dans le ou les muscles hypertoniques.

 

Au bout de quelques mois, quand la déviation se pérennise, le problème de l’ablation du matériel d’indentation se pose, en accord avec le chirurgien rétinologue. Il se peut que l’ablation du matériel modifie peu le tableau, mais la chirurgie du strabisme sera facilitée. Si la déviation est minime, elle peut être corrigée par le port permanent d’un prisme.

 

C’est une chirurgie difficile car on intervient sur des yeux potentiellement fragiles initialement (forte myopie), déjà opérés,  porteurs d’adhérences, avec des muscles remaniés. L’apport de la chirurgie réglable est indéniable car le résultat d’une chirurgie classique peut être aléatoire.

 

En cas de forte déviation, on peut être amené à opérer l’œil sain (souvent dans un 2ème temps opératoire) ; de même dans les hétérophories décompensées par la chirurgie du décollement, si la déviation sous anesthésie est plus importante sur l’œil sain, c’est cet œil qu’il faudra opérer. Le patient devra bien entendu avoir été prévenu et convaincu de cette possibilité.