Les strabismes iatrogènes

Charles Habault LYON

Toute intervention touchant les muscles oculomoteurs dans la but de corriger un strabisme ou une paralysie ou pour traiter une affection oculaire ou orbitaire peu entrainer un déséquilibre oculomoteur.

1)Les strabismes secondaires aux opérations de strabisme :

Deux mécanismes peuvent être  en cause :

-          Des adhérences anormales entre les muscles, la sclarée et les tissus conjonctivaux ténoniens adjacents ;

-          Des dosages excessifs par grand recul ou résections musculaires.

Cliniquement ce sont des strabismes incomitants avec une déviation plus marquée dans le champ d’action du muscle en cause.

Le traitement est strictement chirurgical.

Il faut rétablie l’équilibre oculomoteur en avançant les muscles trop reculés en en affaiblissant les muscles trop réséqués.

Il faut disséquer soigneusement toutes les adhérences anormales.

La chirurgie réglable peut s’avérer indispensable dans certaines situations o la chirurgie quantifiée est imprévisible.

2)Les strabismes secondaires aux interventions de décollement de rétine (DR)

La fréquence de la diplopie dans les suites de la chirurgie de DR est difficile à évaluer

Dans une étude prospective réalisée en 1998, nous avions suivi 58 cas de DR opéré.

A 2 mois nous retrouvions 14% de diplopie en position primaire et 19% de diplopie dans un regard excentré.1/3 des cas présentait donc une diplopie à 2 mois.

A  6 mois il ne restait plus que 3% de diplopie en position primaire et 10% de diplopie dans un regard excentré.

Les déséquilibres oculomoteurs sont donc relativement fréquents mais régressent  spontanément en quelques semaines dans la majorité des cas.

 

 

Les causes mécaniques sont multiples :

-          Adhérences entre les muscles et le matériel d’indentation

-          Fibrose musculaire par étirement des muscles lors des manœuvres de traction.

-          Matériel d’indentation volumineux

-          Mauvais positionnement d’un muscle déposé temporairement

Mais le  déséquilibre peut provenir d’une hétérophorie décompensée par les manœuvres chirurgicales, l’instillation d’atropine ou le pansement post-opératoire.

Cliniquement la déviation la plus fréquemment rencontrée est de type restrictif avec contracture du muscle fibrotique. Il peut s’y associer une cyclotorsion, rarement majeure.

Le traitement dépend de l’importance de la déviation.

-          Prismatique dans les premiers mois et en cas de faible déviation.

-          Chirurgical

Ce sont des reprises difficiles à cause du matériel d’indentation. Il peut  être conseillé de demander l’avis d’un rétinologue sur la possibilité d’enlever les éponges. L’ablation du matériel modifiera peu le tableau oculomoteur mais  facilitera la cure strabologique.

La chirurgie réglable peut aussi rendre de grands services dans ces tableaux peu prédictibles.

3) Diplopie après la chirurgie de la cataracte :

Sa fréquence est difficile à évaluer mais c’est une pathologie qui a fait l’objet de nombreuses publications.

Il s’agit de rétractions musculaires, concernant surtout les muscles verticaux.

Cliniquement, 3 stades. Nous prendrons comme exemple une parésie du droit inférieur après péri-bulbaire. C’est le muscle le plus fréquemment atteint.

-          Paralysie du muscle atteint .Ex : hypertropie avec défaut d’abaissement

-          Rétraction fibreuse cicatricielle du muscle apparaissant vers le 2ème mois. Hypotropie avec défaut d’élévation.

-           Passage à la concomitance avec hypotropie résiduelle mais récupération de l’élévation.

Les mécanismes invoqués sont :

-          Toxicité directe du produit anesthésique sur les muscles avec probablement une sensibilité variable selon les individus. Cette myotoxicité a été prouvée chez le singe.

-          Quantité  de produit injecté.

-           Un traumatisme musculaire direct soit par la pince pour prendre le droit supérieur , soit

par l’aiguille de péri bulbaire. 

Le traitement est prismatique dans un premier temps. L’évolution se faisant rarement vers une régression spontanée, une indication chirurgicale par recul du muscle fibreux pourra être posée en cas de persistance d’une déviation notable.

Cette complication devrait disparaitre avec l’utilisation de l’anesthésie topique.

Bibliographie :

1-Roth A, Speeg-Schatz C la chirurgie oculomotrice 1995 Masson

2-Habault C., Bourron Madignier M,Zech C- les déséquilibres oculomoteurs après  chirurgie du décollement de rétine. Bulletin des Sociétés d’ophtalmologie de France 1996,6,461 464

3)-Carlson extra ocular muscle regeneration in primates. Local anesthesic induced lesions. Ophthalmology 1987, 94,491-494