Strabisme essentiel :
ERICK
LAURENT
PROBLEMATIQUE
L’œil , organe
sensori-moteur,
téléorécepteur mais aussi « téléocapteur » ( capture = préhension )
est au cœur de l ’organisation de la posture et de le motricité.
Il est
impliqué dans les comportements moteurs les plus basiques comme les plus
élaborés : de l’optotaxie négative( fuite devant un stimulus lumineux
) du cyclostome aux
apprentissages visuoguidés les plus subtils de l’espèce humaine …
Le regard stabilisé est un des référentiels (avec la gravité ) les plus usités . Il contraint la posture comme nous le démontrent les conférences de mesdames BOURRON et SPIELMANN. Il permet le codage du mouvement en cordonnées égo ou exocentriques , il participe a son contrôle.
Cette sophistication évolutive des programmes
moteurs ou l’œil est impliqué a pour corollaire une complexification des mécanismes de contrôle moteur ou postural pris en charge par les centres corticaux les plus élevés . Elle sous-tend des échanges avec les autres fonctions
supérieures, la mémoire en particulier .
On est donc bien loin d’une conception
« réflexe » béhavioriste ou
même cybernétique de l’organisation du contrôle moteur en général et
oculomoteur en particulier. En matière visuomotrice il n’y pas d’arc réflexe
simple a 2 neurones.
Les actes les plus simples comme la saccade d’attraction visuelle ou les réflexes vestibulo-oculaires compensatoires sont certes élaborés dans le tronc cérébral respectivement le colliculus et les noyaux vestibulaires mais ils relèvent déjà de circuits complexes constitués de cartes neuronales topologiques contrôlés par le cervelet et le cortex. Ne parlons pas du NOC , de la synergie accommodation-convergence , de la fixation-poursuite et encore moins de ce qui définit la vision binoculaire : la fusion , la correspondance rétinienne , la stéréoscopie qui sont élaborés au sein même du cortex .
Plus une structure biologique est complexe plus elle est fragile plus les causes de dysfonctionnement sont nombreuses et difficiles a mettre en évidence . C’est la raison pour laquelle il existe encore des strabismes essentiels !
La théorie de
l’évolution
véritable fil d’Ariane légué par DARWIN
nous aide a remonter , à la lumière des progrès de la physiologie , des
mécanismes les plus simples aux plus complexes à l’origine d’un strabisme . Elle permet également de mettre en
perspective les problèmes : une exotropie est pathologique chez l’homme
pas chez le lapin , la vision panoramique qui l’accompagne (et est souvent fort
appréciée des patients ) n’est pas une « création »pathologique mais
un mécanisme physiologique sous-jacent
habituellement inhibé par un
autre plus sophistiqué la vision binoculaire .
Le parallélisme oculaire (la répartition harmonieuse
du tonus oculomoteur ) est la conséquence de la bonne mise en place et de la coopération des programmes
sensorimoteurs que nous avons déjà cités : RVO, NOC, accommodation
convergence , fixation- poursuite ,
fusion ,correspondance développés sur des
conditions anatomiques favorables .
Le strabisme essentiel se définit « en
creux » : il représente l’influence de l’ensemble des programmes que nous n’avons pas cités , on peut
penser au flux lumineux , a l’attention , aux rythmes circadiens ….
Le strabisme
essentiel n’est pas :
Une anomalie anatomique : strabisme
orbitaire ou musculaire (fibrose , myopathie ).
Une
pathologie de la fixation monoculaire : strabisme précoce , DVD .
Une
pathologie de l’accommodation convergence : strabisme accomodatif .
Une
pathologie de la correspondance rétinienne : microstrabisme .
Une
pathologie de la fusion : divergent intermittent ,esophorie-tropie ,
horror fusionis
Une convergence tonique inadaptée en excès (convergence
)ou en défaut (divergence) de cause
inconnue.
En pratique :
Un strabisme donné
relève le plus fréquemment de l’intrication de plusieurs mécanismes . Il faut
faire la part de chacun .
L’estimation de la part
essentielle est la dernière étape diagnostique .Elle se fait par les tests de
détente ( double écran , éblouissement
, photos dans le noir …) . L’angle de base est apprécié au mieux sous AG avec
curare.
Par exemple une ésotropie persistant aux tests de
détente qui disparaît sous AG est
tonique et non anatomique , une exotropie qui augmente sous AG comporte une
part anatomique certaine .
Cas
particuliers a bien connaître : le
strabisme aigu
Décrit chez l’adulte par Franceschetti il est
en fait beaucoup plus fréquent chez l’enfant vers 2 ans .
Mon but n’est pas
de détailler ici la clinique de ce strabisme convergent
normosensoriel (cf strabisme aigu par
MITRA GOBERVILLE) mais d’insister sur son caractère « essentiel »:
pas de part accomodative importante , pas de « spasmes » ni de phorie
importante . Il représenterait 10% des convergents .
A rapprocher du strabisme circadien .