Les ruptures précoces de vision binoculaire
Christine COSTET (NICE)
Les ruptures précoces
de vision binoculaire sont responsables de symptômes cliniques spécifiques
regroupés sous la dénomination de strabisme précoce (ou strabisme congénital décrit
en 1967 par Lang).
Le nystagmus est un
élément majeur du tableau clinique : il est parfois latent, déclenché par
l'occlusion, le plus souvent manifeste latent, mis en évidence dans le regard
latéral lors de l'occlusion réalisée par l'arête du nez ou aggravé, quelle que
soit la position du regard, par l'occlusion d'un œil.
Physiopathologie
Elle est encore mal
élucidée, néanmoins plusieurs voies sont ouvertes.
L'immaturité du
système optocinétique avec absence de fusion et de coopération binoculaire dans
les premiers mois de la vie aboutirait à la persistance d'un système archaïque
avec prédominance directionnelle temporo-nasale (retrouvée lors de l'enregistrement
du nystagmus optocinétique).
Le nystagmus
manifeste latent pourrait être secondaire à un trouble de proprioception
oculomotrice et/ou à un défaut de perception du mouvement par atteinte
périnatale de la zone corticale impliquée.
Des facteurs
prédisposants peuvent être retrouvés : éléments génétiques, prématurité,
lésions neurologiques, amétropie importante, anomalies organiques. Dans ce
dernier cas la symptomatologie pourra, au maximum, constituer le syndrome du
monophtalme congénital rejoignant le concept d'Annette Spielmann :
"l'ésotrope congénital serait un double monophtalme congénital".
Le nystagmus
Le nystagmus
manifeste latent est spécifique du strabisme précoce. Il se distingue
totalement du nystagmus congénital patent, mais les deux pathologies peuvent
coexister, réalisant un nystagmus congénital mixte (un bilan neuro-ophtalmologique
à la recherche d'une étiologie sera alors indispensable).
Le nystagmus est une
pathologie de l'œil fixateur que la fixation soit monoculaire ou binoculaire,
toujours majorée lors de l'occlusion de l'œil dominé.
-
Il est discordant, s'inversant selon
l'œil fixateur : il bat à droite œil droit fixateur, il bat à gauche œil gauche
fixateur.
-
Il est le plus souvent incongruent,
d'intensité variable selon l'œil fixateur.
Il s'agit, le plus
souvent, d'un nystagmus horizontal avec composante rotatoire fréquemment
associée, à ressort avec phase latente à vitesse décroissante.
L'acuité visuelle est
nettement meilleure que celle des nystagmus congénitaux sensoriels. Maximale en
bi-oculaire, elle chute en monoculaire et en position primaire pour s'améliorer
en adduction.
Les symptômes associés
La fixation en adduction
La fixation en
adduction est le caractère diagnostique cliniquement le plus évident. Associée
à une déviation controlatérale, elle aboutit à un aspect de double adduction ou
"fixation croisée".
Elle est responsable
d'une attitude de torticolis qui change de direction selon l'œil fixateur
(torticolis alternant, discordant comme le nystagmus). En bi-oculaire, c'est le
torticolis de l'œil dominant qui s'impose.
L'abduction est
généralement limitée, donnant un aspect de pseudo-paralysie avec nystagmus
associé de type pseudo-parétique.
Une fixation en
incyclo-torsion de moindre importance est souvent associée : elle donne un
aspect de torticolis tête penchée sur l'épaule de l'œil fixateur, pouvant correspondre
à une reprise de fixation de déviation verticale dissociée en abaissement et
incyclo-rotation.
Le strabisme
Le strabisme de base
est horizontal, le plus souvent en ésotropie, parfois en ortho microtropie
voire en exotropie. Dans ce dernier cas, il pose le difficile problème
chirurgical de la gestion de deux déviations opposées.
Les déviations
dissociées sont innervationnelles, déclenchées par la suppression partielle ou
totale des simulations rétiniennes d'un œil. Elles sont discordantes comme le
nystagmus et peuvent être horizontales (déviations horizontales dissociées),
verticales (déviations verticales dissociées), ou tortionnelles (déviations
horizontales tortionnelles). Les déviations verticales dissociées sont
déclenchées dans le regard latéral lors de l'occlusion réalisée par l'arrête
nasale : elles ne doivent pas être confondues avec une hyperaction des muscles
obliques inférieurs.
Les anomalies sensorielles
Elles sont non
spécifiques mais pour la plupart définitives.
La correspondance
rétinienne anormale est constante. La précocité du traitement, permet au
maximum, l'obtention d'une union binoculaire avec vision stéréoscopique de bas
grade.
La neutralisation est
le plus souvent alternante. Elle représente le mécanisme de lutte le plus
puissant contre la diplopie et aucune thérapeutique ne doit essayer de la
lever.
L'amblyopie est
diversement appréciée selon les auteurs. Quoi qu'il en soit, sa prévention doit
être effectuée dès que possible en favorisant une fixation alternée.
Références
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Spielmann A.C.. Nystagmus congénital, Nystagmus manifeste/latent. Nystagmus
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