Principes du traitement chirurgical des nystagmus

 

Mitra Goberville Paris

 

 

La prise en charge chirurgicale du nystagmus nécessite une analyse clinique préalable extrêmement poussée et souvent répétée afin de savoir dans quel cadre nosologique se situe le patient et quelle sera la meilleure stratégie si tant est qu'un geste chirurgical soit réellement justifié.

Il est important de séparer d’emblée les deux grandes catégories de nystagmus : le nystagmus manifeste/latent, constamment associé au strabisme précoce par une rupture du système binoculaire et le nystagmus congénital qui est le plus souvent accompagné d’une binocularité normale. Une troisième catégorie mérite aussi de l’intérêt bien que les indications chirurgicales soient beaucoup plus rares et les résultats, plus aléatoires: il s’agit de certains nystagmus acquis avec oscillopsies majeures ou torticolis.

 

 

1/ Nystagmus manifeste latent du syndrome de strabisme précoce 

 

Le traitement du nystagmus rejoint ici celui du strabisme précoce. L’obtention d’une microtropie améliore en soi le nystagmus du fait de l’amélioration de l’équilibre bi-oculaire. La majorité des auteurs sont toutefois d’accord pour préconiser dans ce cas la technique de myopexie postérieure de Cüppers associée à un recul des muscles droits médiaux ce qui permet de réduire au mieux la fixation pathologique en adduction de chaque oeil.

 

2/ Nystagmus congénital

 

Les objectifs de la chirurgie du nystagmus congénital sont actuellement bien définis :

 

-         Le premier est de corriger une attitude vicieuse de la tête, quand elle existe, en déplaçant la zone de moindre battement, ou zone de « blocage », vers le centre. Un torticolis marqué entraîne en effet outre la gêne esthétique, des problèmes musculo-articulaires au niveau du cou et empêche aussi le patient de bénéficier au mieux de sa correction optique. Ces patients présentent très souvent des amétropies importantes et verront en plus, leur acuité s’améliorer avec leur position de tête

-         Le deuxième objectif est de diminuer autant que possible l’amplitude des mouvements afin d’améliorer les capacités visuelles.

-         Enfin, en cas de strabismes associé, on cherchera à corriger celui-ci tout en tenant compte des éléments précédents.

 

Les buts de cette chirurgie sont donc surtout d’améliorer l acuité visuelle en diminuant les mouvements nystagmiques ou de corriger le torticolis, s’il est important ou encore une combinaison des deux.

 

Trois stratégies différentes vont donc être envisagées selon le cas

 

-         Le déplacement conjugué des yeux vise à déplacer la zone de moindre battement vers la position primaire : Il s’agit des techniques d’Anderson ou de Kestenbaum qui peuvent être utilisées pour un déplacement horizontal ou vertical ou encore oblique selon le type de torticolis. Des techniques similaires sont décrites afin de corriger les torticolis rotatoires en agissant sur les muscles obliques ou encore sur un déplacement de l’insertion des muscles droits.

Ces techniques ne sont utilisables que si le torticolis est unidirectionnel et toujours identique.

 

-         La mise en divergence artificielle permet de mettre au profit les mécanismes de « blocage » des battements lors des efforts de convergence. Celle-ci est pratiquée soit en monoculaire, sur l’œil en adduction, soit en binoculaire. Elle n’est envisageable que si les capacités binoculaires du sujet sont de très bonne qualité et permettent de compenser la divergence.

 

 

-         Les techniques d’immobilisation des mouvements oculaires peuvent être proposées lorsqu’il n’existe aucun des deux mécanismes de compensation précédents. Il s’agit de reculer de manière importante les 4 muscles horizontaux et parfois les muscles verticaux afin de réduire la mobilité de l’œil. Il semble que ces techniques permettent cependant de conserver une excursion suffisante des yeux et n’induisent pas de strabismes. Leurs efficacités semblent contestées par certaines équipes mais il s’agit parfois de la seule technique permettant une légère amélioration de la vision chez des patients extrêmement gênés, même ci l’amélioration de la vision n’est pas toujours chiffrable. Ces techniques semblent aussi donner des résultats corrects dans le cadre des nystagmus périodiques alternants.

 

Ces  différentes techniques peuvent aussi être associées, s’il existe une combinaison de plusieurs mécanismes de compensation.

A noter enfin, la description par Dell’Osso d’une technique visant à dés insérer et réinsérer les 4 muscles droits sans les reculer. Les auteurs préconisent une réduction des battements nystagmiques par des variations au niveau des récepteurs proprioceptifs des muscles. Leurs résultats ne semblent pas encore avoir prouvé leur efficacité.

 

Il est indispensable de comprendre qu’une analyse très détaillée du nystagmus est indispensable avant d’envisager une technique chirurgicale. Le bilan doit être le plus complet possible et souvent répété afin de savoir si l’on est face à une seule position de torticolis ou plusieurs, si la vision binoculaire existe et si elle est de bonne qualité et enfin quelles sont les réponses aux tests prismatiques.

Ces tests ont une importance majeure car ils permettent en cas de torticolis de savoir si celui-ci se réduit de manière significative  et parfois permettent de trouver la quantité de prismation qui l’inverse. Lors des mises en divergence artificielle, on cherche à voir si le torticolis et l’acuité visuelle s’améliorent, si les capacités fusionnelles permettent de compenser cette divergence et quelle est la quantité de prisme nécessaire et tolérée.

 

Il est donc clair que la chirurgie du nystagmus est en général pratiquée chez le grand enfant qui peut bien répondre à ces différents tests et qui a déjà été examiné à plusieurs reprises. Certains auteurs préconisent toutefois une chirurgie précoce lorsqu’il existe un torticolis majeur chez un enfant avec une forte amétropie car celui-ci pourra améliorer son développement visuel. Il s’agit toujours dans ces cas d’une chirurgie de déplacement conjugué des yeux.

Lorsqu’un strabisme est associé au nystagmus congénital, la chirurgie du nystagmus doit se faire sur l’œil fixateur et le parallélisme des yeux sera ajusté en agissant sur l’œil non fixant.

 

3/Nystagmus acquis

Ces nystagmus, souvent, neurologiques, sont en général associés à d’autres troubles oculomoteurs et généraux invalidants. Les traitements médicaux peuvent parfois améliorer les symptômes et une amélioration spontanée est à espérer. Malheureusement certains patients gardent un handicap majeur et dans certains cas une intervention de type Kestenbaum-Andersen  (en cas de position de blocage) ou par recul majeur des muscles droits peut être tentée. Les résultats sont parfois peu probants.