Paralysies du IV uni et bilatérales

 

E Laurent Montpellier

 

 

 

 

Qu’est ce qu’une  paralysie du IV ?

 

Le concept de Paralysie du IV a des limites  flous . Ceci est souvent sous-entendu mais rarement clairement formulé dans la littérature.

 

Pour  Von Noorden  la paralysie du IV est la  forme la plus commune de P.O.M           (paralysie oculomotrice) comme  pour la  plupart des strabologues. Il reconnaît volontiers que ce n’est pas l’avis  des neuroophtalmologues.

Dans sa statistique personnelle  les   formes congénitales sont  la première cause : 39% des cas ; les formes  idiopathiques  sont la troisième avec 23.2% des cas. Dans les séries neurophtalmologiques ces causes sont rares.

Strabologues et neurologues parlent- ils de la  même chose ? Probablement pas  ou pas totalement !

 

En  fait il existe grossièrement 2 tableaux cliniques assez différents pour  être isolés.

 Le premier est peu fréquent,  sa  symptomatologie est   récente, aiguë, invalidante. Une lésion du Système Nerveux Central est souvent connue elle domine le tableau : C’est la paralysie du IV au  sens du neurologue, la  vraie Paralysie du IV.

Le  strabologue est très souvent confronté à un tableau clinique proche que le  neurologue ne voit jamais .La gène  est connue, plus ou  moins négligée et compensée depuis  toujours. C’est ce tableau qui «  gonfle » les statistiques de Von Noorden. Les auteurs  anglo-saxons (et les Français) reconnaissent  implicitement cette entité en  parlant de  « parésie congénitale » en l’opposant à la paralysie acquise  du IV . Les auteurs Germaniques sont  plus radicaux et préfèrent parler de  strabisme Sursoadducteur. L’intérêt de cette taxinomie sémiologique est de supprimer toute référence étiologique neurologique effectivement très discutable.  Les strabologues  français faisaient au début de siècle, référence au strabismus sursoadductorius (Poulard 1912) mais l’usage s’est perdu avec le temps. 

 

 

Sujet de cet exposé

 

Je ne traite pas ici  des dysfonctions congénitales de l’oblique supérieur, qui sont analysées  par  Heimo Steffen.

Je ne reprendrai pas  la  question  paralysie du IV de manière exhaustive  telle que l’on peut  la trouver  dans un traité, il y en a d’excellents  en français.   Mon but est seulement de souligner quelques points pratiques importants à mes yeux.

 

 

 

 

 

Etiologie  

 

Les causes sont nombreuses, le diagnostic étiologique pose rarement problème. Le contexte neurologique est  souvent au premier plan (traumatisme) le  risque est plutôt de passer à coté de la paralysie ou  parésie du IV  surtout dans les formes bilatérales. Il  faut sensibiliser et former les neurologues a dépister  la parésie du IV

Se méfier de la myasthénie qui  peut entraîner une symptomatologie fluctuante et  en imposer pour une paralysie « congénitale ».

Le bilan étiologique avec examen neurologique et neuroimagerie (Tdm, Irm) est indispensable et répété à  6 mois si négatif. 

               

 

Clinique

         La diplopie est invalidante, au premier plan. Parfois permanente ou  seulement dans le regard vers le bas dans les formes frustes, regard de la lecture et de la descente des escaliers.

 La déviation et donc la diplopie sont incomitantes comme dans tout strabisme paralytique, maximum dans le champ d’action du muscle parétique qui est fuit par un  torticolis menton levé,  tête parfois tournée et souvent inclinée  du coté sain.

La déviation est difficile à voir : horizontalement inexistante ( petite eso en V ) , verticalement modérée ( élévation en adduction  regard en bas ) ou absente dans les  forme bilatérales , torsion parfois énorme ( >  20°) mais totalement invisible .

La manœuvre de Bielschowsky est positive surtout  regard en bas .Dans les formes frustes intérêt de l’épreuve au verre rouge et de la sensibilisation par un cover test. 

C’est un diagnostic difficile, de spécialiste (orthoptiste, strabologue) auquel nous avons le devoir de  sensibiliser nos collègues neurologues,  réeducateurs  et … les experts des assurances.

 

La torsion

 

Son analyse a une importance  primordiale pour poser le  diagnostic positif et discuter le diagnostic différentiel et les indications thérapeutiques.

La célèbre manœuvre de Bielschowsky repose sur elle (cycloversion),  Parks l’intègre à sa démarche diagnostic d’une déviation verticale.

Le patient  décrit souvent très bien, parfois spontanément, la composante torsionnelle  de sa diplopie .Il existe de nombreux moyens de quantifier la torsion. La paroi tangentielle de Harms me semble la plus efficiente, le coordimètre de Weiss associé à la torche dite de «Kratz » me parait une bonne alternative, moins précise mais nettement plus économique. 

La quantification de la cyclotropie aide au diagnostic positif : la composante torsionnelle étant souvent au premier plan surtout dans les formes bilatérales.

Elle aide aussi au diagnostic différentiel : si la  hauteur est importante et la cyclotropie faible penser plutôt à une atteinte d’un droit vertical   ; si la cyclotropie est concomitante en adduction  ou plus importante en élévation penser à une hyperfonction de l’oblique inférieur ou strabisme sursoadducteur.

Enfin la quantification de la torsion aide à poser le plan opératoire. Chirurgie d’un seul oblique, chirurgie combinée des obliques ou association oblique / droit vertical ? 

 

 

     

Traitement

 

Le traitement étiologique prime sur le traitement symptomatique , il doit être réalisé dans la mesure du possible avant .

Le traitement symptomatique de la diplopie repose d’abord sur l’occlusion +/- totale et permanente à la phase aigue  .

Le traitement étiologique effectué,le classique délai de 6 mois  de non évolutivité s’impose avant d’envisager la cure chirurgicale . 

Le traitement chirurgical compensateur de choix de la paralysie du nerf pathétique me semble le renforcement par plicature ou résection de la partie réflechie du tendon du muscle oblique supérieur.

En fonction de l’importance de la cyclotorsion ou de la déviation verticale on peut y ajouter un deuxieme muscle .

Chirurgie combinée unilaterale des obliques si la torsion est importante ( cas assez fréquent) .

Si la  déviation verticale est  importante le choix d’un deuxième muscle peut se porter sur un muscle droit . l’ affaiblissement du droit superieur homolatéral a l’avantage d’une chirurgie par une seule voie d’abord mais présente l’inconvénient de majorer l’excyclotorsion. On peut lui préferer le recul (ajustable) du droit  inférieur controlatéral.

Enfin la paralysie bilatérale des obliques inferieurs , assez fréquente en cas de traumatisme cranien , beneficiera d’un renforcement bilateral des obliques inferieurs parfois limité à une plicature bilatérale triangulaire de la partie anterieure des obliques  supérieurs très efficace en cas de parésie bilaterale  limitée à une  excyclotropie invalidante dans le regard en bas .

 

Bibliographie

 

A Poulard.La pratique ophtalmologique .Baillière et fils .1912

GK  Von Noorden.Binocular vision and ocular motility.Mosby .1990

N Miller. Walsh and Hoyt’s Clinical Neuro-Ophtalmology .Williams and Wilkins .1985

 

 

 

 

 

Annexe1:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe2 :

 

Zone de Texte: Très petite déviation verticale essentiellement dans le champ d’action de l’OI droit .Sans étude de la torsion le patient passe pour  un fonctionnel ou au mieux une parésie minime du IV d est évoquée . La paroi de Harms retrouve une importante Torsion qui  affirme le diagnostic de parésie sévere bilatérale du IV . C’est à ce type de tableau qu’il faut rattacher le syndrome de Hugonnier - Magnard de Paralysie « à Bascule » du Grand oblique .