Michelle Duflanc.(Toulon)
Il s’agit du nystagmus existant chez un enfant de moins de 2 ans. Nous parlerons uniquement du nystagmus congénital patent lié à une anomalie du développement de la fixation centrale, pendant la période de maturation de celle-ci, qu’il soit pur ou associé à un strabisme. Nous ne parlerons pas du nystagmus manifeste latent, congénital lui aussi, lié au non développement du lien binoculaire, car il n’est pas au premier plan dans le tableau clinique à cet âge. Par ailleurs, des associations sont possibles.
Les questions qui se posent à
cet âge sont essentiellement étiologiques:
S’agit-t-il vraiment d’un nystagmus?
Existe t-il une cause urgente à traiter?
Existe-t-il une association à une malvoyance ou à un trouble neurologique?
Afin de répondre aux deux questions des parents concernant l’avenir de leur enfant (la scolarité sera-t-elle normale, pourra-t-il conduire?)
Il s’agit donc d’un trouble de la statique oculaire caractérisé par une succession rythmée, plus ou moins régulière de mouvements des globes oculaires involontaires et synchrones.
Bien que qualifié de congénital, il n’est habituellement pas présent à la naissance, mais plus souvent entre le 2° ou le 3°mois, succédant parfois à des mouvements oculaires incoordonnés.
L’interrogatoire devra
préciser la notion:
-d’antécédents oculaires familiaux (pathologies nystagmogènes ou nystagmus familial)
-de
mariages consanguins,
-d’incidents durant la grossesse (toxoplasmose congénitale, rubéole …, traitements maternels…) les périodes pré et post natales (anoxie néonatale, prématurité et hémorragies intra ventriculaires …)
-des signes de malvoyance selon l’âge, une photophobie,
-un contexte neurologique ou général associé (albinisme, anomalie morphologique, périmètre crânien …)
-le nystagmus est difficile à analyser à cet âge, à ressort ou pendulaire; le plus souvent essentiellement horizontal; concordant; il est variable. Il n’existe pas de corrélation franche entre la classification morphologique et l’origine étiologique. L’électro-oculographie n’est en général non praticable à cet âge. Un strabisme peut être associé, parfois de diagnostic difficile, noyé dans ces mouvements incessants..
-un torticolis souvent d’apparition plus tardive que le nystagmus,
-des
oscillations de la tête,
-les altérations de la voie sensorielle sont les plus faciles à mettre en évidence
(albinisme, cataractes congénitales, malformations oculaires ou papillaires…)
-parfois un examen sous anesthésie générale doit être réalisé pour analyser au mieux les différentes structures (papille, macula …)
-d’une
apraxie oculomotrice qui démarre vers 3-4 mois de vie, l’enfant réalisant
des mouvements latéraux de la tête entraînant une déviation involontaire des
yeux sur le côté afin de fixer une cible;
-des
opsoclonies, oscillations oculaires conjuguées d’allure très irrégulière
intéressant les deux yeux, incessantes mais de fréquence et d’amplitude
variable pouvant être révélatrices d’un neuroblastome thoracique ou abdominal,
ou se voir au cours de diverses encéphalopathies infantiles.
-d’un
flutter oculaire, phénomène paroxystique fait de salves qui se reproduisent
de façon irrégulière, à intervalle de quelques minutes ou moins, de faible
amplitude, de sens contraire.au cours des hérédo-dégénérescences cérébelleuses,
de tumeurs cérébrales…
La démarche étiologique dépendra
ensuite de ce premier examen:
-Soit
le contexte clinique associe un trouble neurologique qui domine le tableau
(souffrance périnatale, leuco malacie, malformation type hypoplasie
ponto-cérébelleuse…et en général une imagerie est déjà disponible pour éliminer
une cause associée (tumorale …)
-Soit
l’étiologie oculaire est évidente et le traitement s’il est possible sera
effectué (cataracte , glaucome
congénital…)
-Soit
l’examen oculaire paraît normal et dans ce cas
--soit il existe une malvoyance associée et faudra en priorité demander une exploration électro-physiologique (ERG-PEV)
°si les explorations électro-physiologiques sont altérées:
*ERG
photopique et scotopique plats ( amaurose congénitale de Leber ),
*ERG
photopique plat et scotopique normal ( achromatopsie, cone rod dystrophy)
*ERG
négatif avec baisse de l’amplitude ( héméralopie congénitale stationnaire ou
rétinoschisis juvénile lié au sexe)
*ERG
globalement altéré: il faut évoquer toutes les autres dégénérescences
rétiniennes…
*ERG
normaux et PEV anormaux, il faut évoquer un gliome des voies optiques, une
malformation de la ligne médiane, un albinisme ou une atrophie optique
héréditaire récessive.
Dans ces
cas d’anomalies, une consultation neuro pédiatrique sera indispensable à la
recherche d’une pathologie sytémique associée (bilan métabolique à la recherche
d’une peroxysomopathie, d’une cytopathie mitochondriale)
°si les explorations électrophysiologiques sont normales, on évoquera
une pathologie des nerfs optiques et une imagerie sera pratiquée à la recherche
d’un désordre neurologique associé.
--soit l’acuité visuelle paraît
correcte, parfois il existe des antécédents familiaux de nystagmus et
on pensera au nystagmus essentiel ou idiopathique. Mais il faudra pratiquer une
exploration neuroradiologique afin d’éliminer une cause neurologique, en
particulier tumorale (gliome des voies optiques …)
Le spasmus mutans sera un diagnostic rétrospectif:
il s’agit d’un nystagmus acquis entre 4 et 12 mois caractérisé par une triade
classique (nystagmus de la tête, précédant en général le nystagmus oculaire de
petite amplitude, rapide, le plus souvent horizontal, souvent asymétrique, non
synchrone des mouvements de la tête, et d’un torticolis moins constamment
retrouvé ) et qui guérit spontanément en quelques mois
Au total, dans ces nystagmus
congénitaux patents, purs ou associés à un strabisme on peut distinguer:
-Les
nystagmus sensoriels de manifestation précoce, entre le 4°et le 6° mois, le
nystagmus est plutôt pendulaire, il n’y a pas de blocage utilisé. La vision est
toujours altérée, le torticolis est rare et discret, l’évolution n’est en
général pas favorable. Quatre étiologies sont responsables de 80% des cas:
l’albinisme, les cataractes congénitales, les dégénérescences
tapéto-rétiniennes au premier rang desquelles l’amaurose congénitale de Leber,
et l’achromatopsie congénitale.
-Les
nystagmus neurosensoriels, résultant d’affections pré, péri ou post natales
qui ont laissé derrière elles des séquelles au niveau de l’appareil visuel et /
ou du système nerveux central sans que l’on puisse déterminer le rôle respectif
de celles-ci. Parmi les maladies infectieuses, certaines sont fréquentes (toxoplasmose,
rubéole …); Parmi les aberrations chromosomiques, citons la trisomie 21 et le
syndrome de Turner.
-Les
nystagmus idiopathiques, de découverte en général plus tardive, avec une
vision meilleure que dans les formes précédentes, un nystagmus le plus souvent
à ressort, un torticolis fréquent et un strabisme souvent associé, avec un
pronostic relativement bon
(scolarité normale)
La découverte d’un nystagmus chez le petit enfant implique donc une démarche étiologique rigoureuse afin d’entreprendre un traitement adapté précocement.
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