MISE EN DIVERGENCE ARTIFICIELLE (MDA)

 

 

Dr Alain C. SPIELMANN

11, rue de la Ravinelle

54 000 NANCY

 

 

 

 

 

 

 

PRINCIPE

 

Certains nystagmus se bloquent lors d’un effort de convergence. Ce blocage peut être mis à profit par les techniques de mise en divergence artificielle (MDA). Il s’agit de créer une divergence sensorielle (prismes) ou anatomique (chirurgie) que le patient va compenser par un effort de convergence, nécessaire pour éviter la diplopie (réf. . 1, 2).

 

La convergence est un mouvement physiologique qui se porte sur les deux yeux. Il ne faut pas confondre le blocage en convergence avec le blocage en adduction que l’on trouve dans les nystagmus des strabismes précoces (mécanisme monoculaire). La convergence peut être d’origine fusionnelle, tonique, accommodative ou proximale (c’est même un peu plus complexe, voir les traités de physiologie). Lors d’une MDA, c’est la convergence fusionnelle qui est d’abord sollicitée (pour ne pas voir double). Puis, très rapidement après quelques minutes ou quelques heures, une adaptation du tonus musculaire est mise en œuvre (convergence tonique). Parfois, lorsque la convergence tonique n’est pas suffisante, une convergence d’origine accommodative peut participer au blocage en s’accompagnant d’un léger spasme myopique.

 

 

 

 

EXAMEN DU PATIENT

 

Examen clinique

Le blocage en convergence s’apprécie cliniquement en fixation rapprochée, ce qui stimule la convergence (réflexe accommodation-convergence). Il suffit de faire fixer la pointe d’un stylo en la rapprochant progressivement pour savoir instantanément si le patient va pouvoir bénéficier d’une MDA.

Il convient cependant d’apprécier aussi l’absence de strabisme et la présence d’une bonne stéréoscopie pour envisager la chirurgie (fusion nécessaire pour compenser la divergence). 

 

Tests prismatiques

A la barre de prismes, en test court : la mise en place d’un prisme base temporale devant un œil (ou devant les deux yeux) crée une divergence d’un point de vue sensoriel. Pour ne pas voir double, le patient doit stimuler la convergence, que se soit en fixation rapprochée ou éloignée. Le patient fixant au loin, on voit le nystagmus diminuer lorsque la puissance du prisme augmente, souvent jusqu’au blocage complet.

Test d’adaptation prismatique long : il s’agit d’apprécier la valeur maximale en dioptries que le patient peut supporter sans vision double. On utilise pour cela des prismes de type press-on répartis devant les deux yeux. Il n’est pas rare de  trouver des valeurs allant jusqu’à 60-80 dioptries. En pratique, la durée du test peut aller de quelques minutes à plusieurs heures.

 

ENG-VNG

Les enregistrements ENG ou VNG ne sont pas indispensables tant l’examen clinique et les tests d’adaptation prismatiques sont démonstratifs.

 

Remarque

Chez ces patient, la vision de près est proportionnellement meilleure de près que de loin du fait du blocage en convergence. L’amblyopie nystagmique est aussi, en général, relativement moins profonde que dans les autres nystagmus.

 

 

 

 

TRAITEMENT MEDICAL PAR PRISMES

 

Le blocage en convergence se manifeste pour des valeurs prismatiques élevées. Il n’est pas envisageable d’incorporer des prismes de 30 ou 40 dioptries dans une paire de lunettes. Le traitement prismatique d’un nystagmus se bloquant en convergence reste donc exceptionnel.

 

Parfois cependant, on peut se contenter de petits prismes de quelques dioptries, par exemple en attendant qu’un enfant grandisse ou pour compléter un résultat chirurgical jugé insuffisant.

 

 

 

 

TECHNIQUE CHIRURGICALE

 

Une MDA est réalisable chez l’enfant comme chez l’adulte. Elle peut être envisagée dès qu’un blocage en convergence est présent, même lorsqu’une position de torticolis marquée existe. Elle devient la technique de choix lorsque deux positions de torticolis sont présentes.

 

La technique chirurgicale la plus utilisée consiste à reculer les deux droits internes, mais on peut tout aussi bien envisager de réséquer un droit externe. Le dosage chirurgical dépend du test d’adaptation prismatique et des habitudes du chirurgien. L’utilisation de sutures ajustables permet de tester la divergence maximale que le patient peut supporter et diminue donc le risque de diplopie postopératoire.

 

On peut combiner une chirurgie de MDA avec les autres techniques chirurgicales visant à bloquer le nystagmus. Par exemple, pour un nystagmus se bloquant regard à droite en en convergence, on peut réaliser un recul asymétrique du DED de 6 mm et du DIG de 9 mm, déplaçant ainsi les yeux vers la gauche et créant une légère divergence artificielle...

 

 

 

 

RESULTATS

 

Le résultat peut être évalué dès le lendemain de la chirurgie, mais il s’apprécie encore mieux après quelques jours, lorsque la fatigue et le stress liés à l’opération se sont estompés.

 

Le nystagmus peut quasiment disparaître dans la vie courante. On peut espérer une absence de nystagmus en fixation rapprochée comme en fixation éloignée. Le plus souvent cependant, de petites secousses nystagmiques résiduelles persistent, notamment à la fatigue et aux émotions. L’acuité visuelle peut s’améliorer si l’amblyopie nystagmique n’est pas trop profonde.

 

Les effets indésirables de la chirurgie peuvent être une fatigue visuelle accrue si les efforts de convergence sont trop importants, un petit spasme accommodatif justifiant de changer la correction optique (réf .3), ou une diplopie intermittente, notamment le soir à la fatigue. C’est le prix à payer pour traiter le nystagmus. Le patient doit en être prévenu à l’avance.

 

Malgré des dosages chirurgicaux parfois importants, le cover-test postopératoire ne montre souvent aucun mouvement de restitution (convergence tonique = adaptation du tonus musculaire). Une petite exophorie de 10-15 dioptries doit aussi être considérée comme un bon résultat. Un angle plus important comporte un risque de divergence secondaire non négligeable. Tout dépend des capacités fusionnelles du patient, de son amétropie (hypermétropie) et de son âge. La divergence peut se décompenser après quelques mois comme après plusieurs années. Si les prismes ne permettent pas de restaurer un état de phorie, il faut alors ré intervenir chirurgicalement. Toute la problématique réside alors dans le choix de traiter toute la divergence au risque de voir réapparaître le nystagmus ou de laisser une petite divergence résiduelle contrôlable par la fusion.

 

 

 

 

CAS PARTICULIERS DES NYSTAGMUS PSEUDO-LATENTS

 

Certains nystagmus congénitaux présentent spontanément un blocage en convergence et une exophorie de loin (réf. 4). Cette exophorie est compensée par un l’effort de convergence fusionnelle qui bloque le nystagmus. L’occlusion d’un œil déclenche le nystagmus et l’on porte à tort le diagnostic de nystagmus latent. Il n’est que pseudo-latent. Sous écran translucide unilatéral, l’œil caché diverge : il retourne à sa position de repos sans fixation qui est une exposition, bien visible sous écrans translucides bilatéraux. Le nystagmus apparaît alors parce que l’occlusion monoculaire a rompu la convergence fusionnelle. Si l’on corrige totalement l’exo déviation par des prismes ou par la chirurgie, il y a fusion sans effort, mais le nystagmus apparaît car la convergence compensatrice n’est plus sollicitée. Ce type de nystagmus est un excellent modèle théorique pour la physiologique du blocage en convergence.

 

 

 

REFERENCES

 

1) Spielmann A., Spielmann A.C.

Nystagmus congénital. Nystagmus manifeste/latent. Nystagmus acquis.

EMC (Elsevier SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-560-A-10, 2005.

 

2) Spielmann A.

La mise en divergence artificielle dans les nystagmus congénitaux. À propos de 120 cas.

Bull Soc Fr Ophtalmol 1993; 93 : 571-8.

 

3) Spielmann AC. Évolution de la réfraction subjective après mise en divergence artificielle et ses rapports avec un éventuel spasme myopique.

J Fr Ophtalmol 2003; 26 : 25-30.

 

4) Spielmann A, Spielmann AC.

Pseudo-latent nystagmus: congenital nystagmus with exophoria.

In: Kaufmann H, editor. Transactions of the 20th ESA Meeting. Giessen: Gahmig Druck; 1992. p. 77-82.