Analyse Morphologique et Electro-oculographique des Nystagmus (N) Ophtalmologiques.

Dr Charles-Albert HABAULT –LYON

DÉFINITION ET CLASSIFICATION « Le N est un trouble de la statique oculaire caractérisé par une succession rythmée, plus ou moins régulière, de mouvements conjugués des yeux de sens contraire qui sont involontaires et habituellement synchrones. » Larmande

2 GRANDES FORMES DE N ophtalmologique : 1) Le N du strabisme précoce de type manifeste latent 2) Le N congénital essentiel avec ou sans strabisme

ANALYSE MORPHOLOGIQUE La classification des N se base sur l’aspect morphologique du N en position primaire, en fixation binoculaire puis monoculaire. Chez un sujet nystagmique, l’œil ne peut se stabiliser sur un objet fixé. Il s’en écarte dans un mouvement de dérive puis revient dans un mouvement de rappel.

NOTIONS FONDAMENTALES

A-MORPHOLOGIE Le battement du N est constitué d’une phase de dérive, éloignant du point de fixation et d’une phase de rappel. On distingue : 1) N pendulaire : les deux phases sont d’égale vitesse.Le mouvement s’effectue de

2) N à ressort : la phase de rappel est la plus rapide. Elle est plus facilement identifiable à l’œil nu et donne le sens du N. Le temps de fovéation correspond au temps passé par l’image sur la macula. Plus le temps est long, meilleure est l’acuité visuelle.

La vitesse de la phase lente est caractéristique :

-décroissante des NL

Nystagmus bat à G OG fixant.

-croissante des NCE

N bat à D ODF ou OGF

3) N pendulo-ressort : Ils ont les mêmes caractéristiques que les N à ressort mais deviennent pendulaires de faible amplitude dans la zone neutre.

B- DIRECTION Dans les N congénitaux, le battement est en général horizontal mais il existe fréquemment une composante torsionnelle dans les N latents. Un battement vertical est caractéristique d’un N neurologique.

La direction du N à ressort peut varier selon l’œil fixateur et le mouvement réalisé.

1- Selon l’œil fixateur On distinguera le battement concordant, discordant et bidirectionnel. On l’étudie en PP.

a- Concordant : N congénital UNIDIRECTIONNEL Le N bat toujours du même côté, quel que soit l’œil fixant. ODF et OGF, bat à D en position primaire.

b- Discordant : N manifeste latent Le N s’inverse selon l’œil fixateur.

ODF , Bat à D. OGF, bat à G. Les 2 yeux ouverts, le sens du battement dépend de l’œil fixateur.

c- Bidirectionnel Le N s’inverse en fixation monoculaire. Le sens du battement ne dépend pas de l’œil fixateur. Sur l’ENG, le N, en position primaire, bat à D ou à G.

2- avec le mouvement réalisé Le N peut changer de sens dans les regards latéraux. Il peut garder le même sens.

C-FRÉQUENCE C’est le nombre d’oscillations effectuées pendant 1 seconde. Exprimée en hertz.

D- AMPLITUDE L’amplitude des oscillations se mesure en degrés.

E- INTENSITÉ Elle correspond au produit de l’amplitude par la vitesse. Elle peut varier d’un sujet à l’autre.Elle est aussi variable chez un même sujet, en fonction : 1) de l’attention, de l’anxiété. 2) du type de fixation :

-
N de type manifeste latent s’intensifiant ou apparaissant à l’occlusion
-
N de type congénital ne variant pas à l’occlusion 3) de l’effort de fixation Le N s’intensifie avec l’effort de fixation. Il disparaît les yeux fermés. 4)de l’œil fixateur D’égale intensité ODF ou OGF = congruent ou incongruent 5) de la direction du regard. Selon la loi d’ALEXANDER, l’amplitude du N augmente quand le regard se porte du côté de la phase rapide et diminue du côté de la phase lente.D’où la nécessité d’enregistrer en position primaire et dans les regards latéraux. Nous mettrons en évidence les zones neutres.

L’examen clinique des N congénitaux doit être complété par l’enregistrement du N. Pour enregistrer les N ophtalmologiques, on fait un triple enregistrement :

-les 2 yeux ouverts

-ODF(OG occlus)

-OGF (OD occlus) L’enregistrement se fait :

-en position primaire de face

-dans les regards latéraux 10° 20° 30° à D et à G -en convergence Nous n’enregistrons que la composante horizontale. On peut enregistrer à partir du cours préparatoire.

GRANDES FORMES CLINIQUES Nous présentons les grandes formes cliniques mais en pratique courante, il existe de nombreuses formes intermédiaires, intriquées . Nous devons cette classification aux travaux des Dr SPIELMANN et BOURRON-MADIGNIER.

A- LES NYSTAGMUS PENDULAIRES

Ce sont souvent des N sensoriels associés à une déficience visuelle. 1) Clinique Ils présentent une amblyopie profonde bilatérale (1/20è à 2/10è) . L’étiologie est organique avec albinisme, rétinopathie, cataracte congénitale…Le torticolis est réduit ou absent. Un strabisme peut être associé. 2)ENG Nystagmus pendulaire pouvant diminuer en convergence. 3)Traitement

a-Médical

-Verres bifocaux ou progressifs

-Aides optiques b- Chirurgical

-Chirurgie du strabisme

-Mise en divergence artificielle pour utiliser le blocage en vision rapprochée.

-Recul des 4 muscles horizontaux

B- LES NYSTAGMUS À RESSORT (DELL’OSSO-SPIELMANN)

Deux grands groupes :

1- Nystagmus congénital essentiel -Kestenbaum -Bidirectionnel -Périodique alternant

2- Nystagmus latents

N CONGENITAL DE TYPE KESTENBAUM 1) Clinique Il existe une seule zone privilégiée recherchée en vision de loin et de près. Le torticolis est donc unidirectionnel. Dans cette position, l’acuité visuelle s’améliore et est de bonne qualité (8/10è), plus basse en position primaire (2 à 5/10è). Il n’y a pas de strabisme. La vision binoculaire est normale. 2) ENG Nystagmus à ressort battant toujours dans le même sens en position primaire, quel que soit l’œil fixateur . Il diminue lorsque le sujet dirige son regard dans la zone privilégiée, du côté de la phase lente. Dans la zone neutre, le N peut disparaître, s’inverser ou parfois devenir pendulaire. 3) Traitement Le traitement est chirurgical par transfert de la position excentrée dans la position primaire. C’est l’intervention de Kestenbaum-Anderson.

N CONGÉNITAL À RESSORT BIDIRECTIONNEL 1) Clinique Il existe plusieurs zones privilégiées. Le torticolis est donc alternant, avec mise en abduction de l’œil directeur. Le torticolis peut être très variable, différent de loin et de près. L’acuité visuelle est souvent supérieure à 5/10. Dans la forme typique, il n’y a pas de strabisme. Le N diminue en convergence. 2) ENG Nystagmus à ressort, bidirectionnel, s’inversant spontanément en position primaire, indépendamment de l’œil fixateur. La direction du N change de manière aléatoire en position primaire. Il existe plusieurs zones privilégiées et un blocage en convergence. 3)Traitement Le traitement est chirurgical utilisant le blocage du N en vision rapprochée.

N À RESSORT PÉRIODIQUE ALTERNANT Le N s’inverse par périodes, dont la durée est souvent irrégulière, quel que soit l’œil fixateur. L’inversion des secousses s’accompagne d’une inversion du torticolis. Le N et le torticolis sont très variables, rendant le traitement difficile.

N MANIFESTE LATENT 1) Clinique

-L’acuité visuelle dépend de l’intensité du N.

- Le strabisme est toujours associé(ésotropie, microtropie ou exotropie). Il est variable.Comme le N, des déviations dissociées apparaissent lors de l’occlusion d’un œil.

-Torticolis discordant variant selon l’œil fixateur 2)ENG -N à ressort, discordant (battant à droite si ODF, à gauche si OGF), volontiers incongruent (d’intensité différente sur chaque oeil).

-La phase lente est à vitesse décroissante. -Selon l’intensité du N, on distingue :

* N manifestes présents les 2 yeux ouverts

* N latents n’apparaissant qu’à l’occlusion d’un œil. 3) Traitement

-Médical du strabisme

-Chirurgical du strabisme BIBLIOGRAPHIE 1) A. Spielmann, A.C. Spielmann. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris),

(Ophtalmologie, 21-560-A-10), 2005 2) S. Vettard, M. Bourron-Madignier Journal Français d’Orthoptique 2003. 3) Colloque de Nantes 2005. Les Nystagmus. FNRO éditions.